English abstract
Over the past few decades, an extensive and complex corpus of artistic practices has developed at the crossroads of disciplines, but also of art, science and technological research. In the 1990s, with the spread of digital devices, these productions have multiplied, creating a body of practices that has been called “digital art”.
Yet, despite its exponential diffusion, digital art has not been able to conquer the world of contemporary art. What are the causes of this exclusion? A conflict of cultural traditions? A refusal on the part of official critics to integrate these practices into the history of art? The incompatibility between these forms of creation and the art market?
Based on historical and current examples, art historian Emanuele Quinz sketches a series of answers to these questions.
Français [Italiano sotto]
[Transcription de la Keynote donnée au Centre Canadien d’Architecture, Montréal,
Colloque Molior 15, 24 Novembre 2016
https://www.youtube.com/watch?v=OME-pWottcI]
I.
Encore encore… Toujours la même question, la vexata quaestio du rapport tourmenté entre art numérique et art contemporain (qui est au fond la question de la définition d’un art numérique, dont on n’a pas arrêté de proposer d’autres appellations – new media art, art digital, technologique, informatique, médiatique – toujours avec des flottements entre pluriel ou singulier) versus l’art contemporain (ici pas de pluriel, bien évidemment)…
Alors pourquoi encore cette question? D’abord, parce qu’elle n’est pas résolue. Mais on peut se demander si elle le sera un jour, ou s’il faut vraiment la résoudre.
Pour ce qui me concerne, j’ai deux mobiles qui me conduisent à me reposer cette question: un plus théorique et un plus contingent, un plus général et un plus personnel.
Depuis toujours, je m’intéresse à la question des frontières entre les disciplines artistiques – inter/trans/disciplinaire – ma spécialité en tant qu’historien de l’art est d’explorer ces frontières – pour cela je me définis parfois historien des arts.
L’artiste conceptuel Mel Bochner a produit dans les années 1970 une œuvre qui s’appelle Theory of Boundaries. Or, dans sa condition actuelle, post-conceptuelle (après le tournant conceptuel qui a impulsé un virage irréversible), et post-médiale, l’art se définit justement comme une theory of boundaries, comme une théorie – et une pratique – des frontières: les définitions disciplinaires sont tiraillées par des tensions épistémologiques, par des perspectives descriptives et prescriptives qui n’arrêtent pas de se reconfigurer. Une théorie des frontières mais aussi un théâtre des frontières, où s’affrontent des courants historiques, culturelles: un horizon dynamique – relationnel, car il est constitué de connexions, mais surtout positionnel car il est composé d’un jeu de polarisations, de véctorialisations. De positions qui sont toujours des oppositions. Si le côté positionnel indique l’orientation directionnelle, le côté relationnel souligne la réversibilité des vecteurs. Il s’agit d’un point très important, on y reviendra plus tard.
Si l’on considère le système des arts ou l’art in the extended field – comme il semble se configurer à partir des années 70, on ne peut le voir que comme un théâtre d’opérations, caractérisé par des affrontements et des déplacements de bords territoriaux. C’est au moins à cette figuration qui m’ont conduit mes recherches des dernières années, que j’ai envisagé con des excursions, des explorations des zones de frontière disciplinaires.

Mel Bochner, Theory of Boundaries, 1969-70
Mon deuxième mobile est plus personnel. Et est lié à l’histoire de ces explorations, qui ont commencé notamment avec la fondation d’anomos, association fondée à Bolzano, en Italie, et à Paris, en 1995, et active jusqu’à 2011. Conçue comme un observatoire de l’impact des média numériques sur la culture et la création contemporaines, anomos a rassemblé un réseau international d’artistes, chercheurs, compositeurs, chorégraphes, architectes et informaticiens, et a été à l’origine de colloques, workshops, conférences (comme le cycle « Face au présent », qui s’est tenu de 1999 à 2007, dans des lieux comme la Maison européenne de le photographie et le Centre Pompidou à Paris) et des publications (comme la revue-collection d’ouvrages Anomalie, 2000-2007 [1]) – mais aussi du Laboratoire Médiadanse, fondé à l’Université Paris 8 avec Armando Menicacci.
La réflexion que je vous propose aujourd’hui se déroulera à partir de ces deux registres: d’un côté, la perspective d’une recherche théorique plus générale, de l’autre celle d’une quête plus personnelle.
Dans le recueil Le cercle invisible [2], dont l’édition française va paraître en début 2017, aux Presses du réel, j’ai ressemblé tous les textes où j’aborde la question de la technologie dans l’art. Il s’agit, entre autres des préfaces des volumes d’Anomalie que j’ai dirigé et du catalogue de l’exposition Invisible, dont j’assuré le commissariat en 2004. Tous ces textes, écrits dans des occasions spécifiques, ont été non seulement révisés, mais réécrits. Parfois, avec le recul, les conclusions ont été modifiés, parfois même renversées. J’ai envisagé ce travail de réécriture comme un travail de vérification des hypothèses émises à l’époque, comme une remise en question des positions. Ce travail, parfois tourmenté est raconté dans un dialogue fictif qui clôt le volume et qui s’intitule Journal d’un apostat.
Le fil rouge de tous ces écrits d’occasion était la définition d’une esthétique de l’interactivité dans le contexte d’un art en transformation. Quinze ans plus tard, en prenant progressivement du recul, en essayant de leur donner une épaisseur historique, j’en suis venu à interroger davantage les liens entre les expérimentations, à la fois théoriques et pratiques, des années 1990 – au moment où le milieu de l’art faisait face à ce que, à l’époque, Pierre Lévy (premier président d’anomos) avait appelé « le déluge numérique » – et d’autres pulsions plus anciennes – comme les tendances anti-objectuelles qui poussaient vers les paradigmes de l’environnement, de la participation et de la relation. Il me semblait impératif de réinscrire les expérimentations technologiques dans un contexte artistique et culturel élargi.
II.
Mais venons au point. En préparant cette conférence, j’ai décidé de ne pas partir, comme on l’attendrait, des actes de fondation de ce qu’on appelle « art numérique », de l’identification d’un moment d’éclosion, ou d’un geste de scission séminale qui aurait séparé un fragment du corps de l’art, pour fonder un nouveau corpus. Au contraire, j’ai décidé de partir des déclarations de mort, de proposer de faire plus qu’une généalogie, une autopsie – ou du moins, de tenter de lister quelques diagnostiques sur la fin, la non-existence, le déclin de l’art numérique.
La déclaration qui a produit pour moi un déclic a été prononcée par Bernard Stiegler, auteur de la trilogie Le temps et la technique, à l’époque directeur de l’IRCAM. Le 8 Février 2004, lors d’une conférence au Centre Pompidou, évoquant les échos contemporains de l’exposition historique Les Immatériaux, conçue par Jean-François Lyotard, Stiegler affirmait, péremptoire: « l’art numérique n’existe pas, il n’a jamais existé ».
Voilà, le mot avait été lâché – et paradoxalement, d’entendre ce mot ne m’a pas attristé ou irrité, mais quelque part soulagé. Avec anomos, nous avons été engagés depuis plus de 10 ans dans une sorte de campagne de « sensibilisation » aux usages des technologies dans des contextes réfractaires de l’art – notamment dans le domaine de la danse. On militait pour l’exploration des potentiels des technologies numériques, pour expérimenter des nouvelles interactions entre les langages de l’art, pour créer des associations inédites entre image et son, pour sortir du cadre, pour impliquer le public… Pourtant, avec le temps, nous avions commencé à sentir que la définition d’art numérique était trop étroite. Comme une provocation, je déclarais à mes amis que le livre sur lequel je travaillais à l’époque, et qu’il devait contenir mon fin mot sur la question, allait s’appeler Contre l’art numérique.
Autour de nous, d’autres acteurs importants impliqués dans la même démarche, partageaient le même malaise – je pense notamment à Philippe Franck, qui a écrit un article « Art sans Frontières », sur la revue Mouvement, en 2006, ou à Gregory Chatonsky, qui a parlé de « l’indifférence de l’art numérique ». Je le cite: « Nous nous sommes toujours sentis mal à l’aise face à cette notion, à ce territoire et à ce ghetto. Non pas parce qu’il aurait pu être remplacé par un autre mot, une formule plus juste, mais plutôt parce que face a tout mot qui donne une définition nous somme dans une position de résistance. Et au-delà même de cet affect, il y a sans doute une raison structurelle. C’est que l’art numérique n’est pas l’art vidéo, ni l’art photographique, ni l’art cinématographique, etc. Or avec le numérique, le champ d’application est beaucoup plus grand, l’ordinateur touche en effet l’ensemble des sphères de la vie, le privé comme public, l’intime comme le collectif, le loisir comme le travail. Quand quelqu’un sort de son travail, qu’il rentre chez lui, que fait-il? Il allume son ordinateur, un autre ordinateur à son bureau ayant été éteint, peut-être que dans le transport le ramenant chez lui a-t-il utilisé son Smartphone pour naviguer sur Internet. Ce flux continu s’applique à la temporalité elle-même. Le numérique n’est donc pas dans le champ social un médium comme un autre, il opère une forme de totalisation, d’intégration des différences. De la sorte, il semble peu probable que comme médium artistique il reste indifférent à cette nature et on voit combien il faut alors bouleverser nos habitudes et nos cadres d’analyses esthétiques pour se hisser à la hauteur de cette transformation. » [3]
Ce texte est intéressant pour notre réflexion. Sa conclusion, qui est celle de beaucoup d’analyste est qu’il faut voir le numérique non pas comme un médium, qui se rangerait à côté de l’art vidéo, du cinéma expérimental, de l’art audio, mais comme « un monde, un monde qui décatégorise les regroupements classiques. Ainsi l’art numérique n’est jamais là où on l’attend. Il se déplace, il est indifférencié parce que dans la société il est un peu partout. » [4]
Alors, la déclaration de Stiegler en 2004 ne nous a pas troublé, bien au contraire.
Plus tard, dans son texte « L’art numérique n’a pas eu lieu » (2013), Patrice Maniglier reprendra les mêmes arguments de Chatonsky: « Cela semble désormais un fait historique acquis: l’art numérique n’a pas eu lieu. On en avait pourtant annoncé la venue imminente en grande pompe. Comment en aurait-il été autrement? Une nouvelle technologie apparaissait, d’une puissance toute singulière, elle ne pouvait laisser les artistes indifférents. Ces bricoleurs insatiables n’allaient pas manquer d’investir ce médium comme ils avaient investi le cinématographe, la vidéo, la radio et même la télé. On l’attendit. On l’attend encore. Les sceptiques demandent: où sont les chefs-d’œuvre de l’art numérique? Les croyants s’agacent, s’impatientent, soupçonnent les sceptiques d’être victimes de l’éternel biais réactionnaire, cet esprit qui toujours nie et qui de fait n’a cru ni à l’art moderne, ni à l’art contemporain, ni à la vidéo, ni à la performance… » [5]
Finalement, il s’agit d’un argument facile. En se basant sur le statut du numérique, il constate que tout est numérique aujourd’hui. Dans le « tout numérique », non seulement nos vies sont filtrées par les médias numériques, mais tous les arts se sont numérisés, tous les artistes travaillent avec le numérique. Donc, plus de place, plus de sens pour un art dit numérique – car tout art est finalement numérique.
En même temps, Maniglier envisage l’option d’un art dont le but spécifique serait d’explorer ce passage, ce « devenir numérique du monde » et donc aussi de l’art, de « questionner cette passe ontologique ». Le numérique ne serait alors pas l’objet ni le médium ni même le code, mais le sujet de l’art.
Ce qui est frappant dans les déclarations de mort qui se multiplient à partir de 2004, c’est qu’elles viennent souvent de l’intérieur du monde de l’art numérique, de ceux qui s’étaient battus – comme moi – pour en défendre la naissance ou la survie. Je pourrais multiplier les témoignages en ce sens.
Une déclaration qui a fait époque est celle prononcée par Lev Manovich dans The Death of Computer Art, publiée dans Rhizome déjà en 1996 [6]. Dans ce texte, d’un schématisme caricaturale (bien entendu, intentionnel), Manovich prévoit que la convergence « between the art world and the computer art world » n’aura pas lieu, et présente, en résonnance avec Disneyland, d’un côté Duchamp-land, c’est-à-dire le monde des galeries, des revues, des foires d’art contemporain, et de l’autre Turing-Land, le monde de l’art numérique, avec ses galeries, ses revues, ses événements comme ISEA, Ars Electronica, SIGGRAPH. Deux territoires en opposition.
Chaque territoire a ses règles.
L’objet typique du Duchamp-land est orienté vers le contenu, « compliqué », ironique, autoréférentiel, critique vis-à-vis des techniques qu’il lui même utilise. Alors que à Turing-land c’est l’opposé : l’objet est orienté vers la technologie de pointe, « simple », sans ironie, et surtout, il prend la technologie qu’il emploie au sérieux. Dans Duchamp-land, l’accident technique est recherché, provoqué même (pensez à l’œuvre comme un « précipité du hasard » selon les termes de Duchamp) alors que dans Turing-land, comme dans l’industrie informatique, il est évité soigneusement. Si l’ordinateur crashe c’est une catastrophe à Turing-land, alors qu’à Duchamp-land c’est le signe du succès du processus…
La différence entre les deux milieux n’est donc pas dans l’utilisation de la technologie, mais dans l’attitude vis-à-vis de la technologie: on y croit, on n’y croit pas.
La même année, Nicolas Bourriaud, dans son pamphlet Esthétique relationnelle, avait radicalisé cette opposition en la transformant en loi, une « loi de délocalisation ». Je cite : « L’art n’exerce son devoir critique vis-à-vis de la technique qu’à partir du moment où il en déplace les enjeux : ainsi les principaux effets de la révolution informatique sont-ils aujourd’hui visibles chez les artistes qui n’utilisent pas l’ordinateur. Au contraire, ceux qui produisent des images dites “infographiques”, manipulant les fractals ou les images de synthèse, tombent généralement dans le piège de l’illustration: leur travail n’est, au mieux, que du symptôme ou du gadget, ou, pire encore, la représentation d’une aliénation symbolique au médium informatique et celle de leur propre aliénation vis-à-vis des modes imposés de production. Ainsi la fonction de représentation se joue-t-elle dans les comportements : il ne s’agit plus aujourd’hui de dépeindre de l’extérieur les conditions de production, mais d’en mettre en jeu la gestuelle, de décrypter les rapports sociaux qu’ils induisent. » En synthèse, pour Bourriaud, « la technologie n’a d’intérêt pour l’artiste que dans la mesure où il en met les effets en perspective, au lieu de la subir en tant qu’instrument idéologique» [7].
III.
L’opposition de Manovich, relue à côté de celle de Bourriaud (qui, par ailleurs, reviendra sur son avis plus tard, notamment dans son livre Post-production [8]), révèle un point important: plus qu’un clash ente deux milieux, il s’agit d’une opposition entre deux paradigmes: d’un côté un art qui croit dans la technologie qu’il utilise, de l’autre un art qui l’envisage du point de vue critique.
Cette opposition a une histoire ancienne, comme le « cas » Jack Burnham le démontre [9].
Sculpteur, théoricien et curateur, Burnham publie en 1968 Beyond Modern Sculpture: The Effects of Science and Technology on the Sculpture of This Century [10], où il préconise l’émergence d’un art post-cinétique et cybernétique, un dépassement de la sculpture par des objets hybrides, qui font converger la machine et l’organique et qui « simuleraient littéralement la structure de la vie ». L’accueil que cette vision prophétique reçoit incarne bien le début de ce clivage entre l’enthousiasme des adeptes de la « révolution technologique » et le rejet indigné des techno-sceptiques. Dans les écrits suivants, Burnham revient sur sa position, aussi grâce à l’exposition Software qu’il réalisera en 1970 au Jewish Museum de New York, où il explore la superposition entre l’esthétique des systèmes de matrice cybernétique et le paradigme émergent de l’art conceptuel. La démarche de Burnham est originale, car elle s’impose de dépasser la perspective de l’art, et de l’inclure dans l’horizon plus large des transformations de la culture face à la révolution informatique. L’approche de Burnham n’est pas illustrative ni didactique, mais vise l’identification d’un changement de paradigme : explorer la révolution informatique pas tant par ses objets, que par ses effets « sur la sensibilité individuelle et sociale ».
Mais, dans les années 1970, au moment où la situation politique s’enflamme, entre autre pour la guerre du Vietnam, l’approche cybernétique, défendu par Burnham n’apparaît pas seulement comme un dispositif totalisant, mais aussi totalitaire, instituant, par le moyen de la maitrise technologique, de nouvelles formes de contrôle social. Le front polémique s’étend et va de Marcuse à des artistes comme Mel Bochner ou Robert Smithson. Dans le domaine de l’art, s’œuvre un virage important, qui vise la réintroduction de la dimension sociale aussi dans les pratiques conceptuelles. L’attitude n’est plus la même: après le social turn, l’art prend de la distance des sciences et des technologies, et assume une posture qui n’est plus affirmative ou constative, mais dubitative, en revendiquant une mission explicitement critique. C’est la voie qu’entreprend aussi Hans Haacke, grand allié de la première heure de Burnham, d’abord en déplaçant son attention vers les « systèmes sociaux », ensuite en attaquant « le système » avec ses œuvres politiquement engagées.
En synthèse, avec le passage aux années 1970, le changement de contexte est fatal: l’optimisme progressiste qui avait impulsé l’esthétique cybernétique de la fin des années 1960, apparaît révolu et suspect, l’alliance entre art et technologie est considérée comme un « mariage de convenance avec l’industrie », et les financements des entreprises qui avaient permis les premières expérimentations sont dénoncés comme les gages d’une complicité avec le pouvoir, incompatible avec la mission de l’art. Face au constat d’une séparation de plus en plus nette entre le paradigme conceptuel, sacralisé dans un milieu de l’art contemporain de plus en plus sanctuarisé et protectionniste, et celui de l’art technologique, ostracisé, et de plus en plus crispé dans son opposition foncière au monde officiel de l’art, le repli de Burnham assume la forme amère d’une apostasie – comme le révèle son dernier texte, le poignant Art and Technology: The Panacea That Failed (1980) [11].
Dans ce texte, Burnham revient sur le projet de convergence entre art et technologie des années 1960 et essaie d’en expliquer la défaite. La question qu’il se pose: « Pourquoi les seules expériences artistiques dans les domaines des technologies du XXe siècle qui ont eu du succès, ont à faire avec l’absurdité et la faillibilité des machines? », et d’évoquer, comme exemple, la tradition de matrice Dada, peuplée des machines inutiles, dysfonctionnelles, subversives, de Picabia à Ernst, de Duchamp à Tinguely. En revanche, l’art technologique qui « se prend au sérieux », basé sur la « chimère » de l’innovation scientifique en tant qu’instrument omnipuissant d’émancipation illuministe, semble destiné à l’échec. Nous retrouvons les mêmes termes que Manovich utilisera presque 20 ans après.
Au-delà de certaines considérations plus circonstancielles, Burnham se demande si la raison du schisme entre art et technologie n’est pas de l’ordre d’une incompatibilité métaphysique, d’une « dissimilarité fondamentale en tant que systèmes de sémiose humaine ».
Au contraire de la pensée technique, le paradigme conceptuel, qui marque finalement le destin de l’art, en exprime une nature qui n’est pas disruptive mais déceptive; en récusant toute possibilité d’évolution et de progrès, il ne cesse de rappeler « comme nous sommes dominés par nos illusions perceptuelles ». En devenant conceptuel, l’art semble s’engager dans une mission, qui n’est plus progressive, ni régressive, mais réflexive, ou mieux, introspective.
Procédant par un jeu vertigineux de négations, l’art se fonde comme l’expérience d’une déception révélatrice : de l’écart inexorable qui se creuse entre la pulsion originaire qui pousse l’homme à modéliser, à objectiver, à « systématiser » le réel et ce même réel qui, « systématiquement », y échappe. On le voit, on revient à l’idée que nous avons identifié tout à l’heure : l’art technologique croit dans la technologie, et donc se trompe -(mais se trompe en tant que art? ou en tant que vision du monde?) et l’art contemporain, de matrice conceptuelle, n’y croit pas… Bref, la question n’est pas liée à la technique, ni aux médias, ni même aux frontières disciplinaires, elle est plus profonde – il s’agit d’une question fondamentalement éthique.
La « cas Burnham » est juste un cas, mais il révèle que, à bien regarder, le douloureux conflit était là du début. On pourrait multiplier les exemples historiques. Je mentionne seulement l’échange entre Robert Smithson et Gyorgy Kepes – autour de la malheureuse Biennale de Sao Paolo de 1969. Smithson conteste l’optimisme de Kepes vis-à-vis de la science et la technologie qu’il considère « a sad parody of NASA » : « Technology promises a new kind of art, yet its very program excludes the artist from his own art. The optimism of technical progress results in political despair … If technology is to have any chance at all, it must become more self-critical. If one wants teamwork he should join the army. A panel called ‘What’s Wrong with Technological Art’ might help » [12].
La question, confirme Smithson, n’est pas purement technique, ni même esthétique, mais politique, ou, encore plus profondément, morale.
IV.
« What’s Wrong With Technological Art? »
Finalement cette question a été reprise et discutée au New Museum de NY en 2012, en parallèle à l’exposition Ghosts in the Machine, avec Peggy Ahwesh, Heather Corcoran de Rhizome, et les historiens de l’art Judith Rodenbeck et Gloria Sutton [13].
Nous n’allons pas rentrer dans les détails de ce débat, mais il est important de citer cette exposition parce qu’elle marque un rapprochement: le monde de l’art contemporain, avec ses curateurs, ses galeries et ses institutions, soudain s’intéresse à l’histoire de l’art technologique. Mais à l’envers, d’une certaine manière: l’idée est de reconstruire une contre-histoire, une histoire de l’art qui résiste aux progrès et aux dérives technologiques, d’un art anti-technologique.
Ghosts in the Machine est construite a partir d’une attitude qu’on pourrait définir archéologique. Dans ce contexte, sont reproduites des expositions entières, comme Man, Machine and Motion (1955) conçue par Richard Hamilton [14]. Comme l’explique Massimiliano Gioni, le commissaire, Ghosts in the Machine, « is conceived like a Wunderkammer, a cabinet of curiosities presenting a sequence of objects and artworks that are linked together by a web of references and associations, kinships and elective affinities, in the kind of surreal montage best suited to that “dream-like life. » [15]
Cette déclaration sonne un peu comme une justification: elle révèle cette approche particulière qui se met en place, qui envisage l’histoire du rapport de l’homme avec la machine à partir d’un point de vue foncièrement antipositiviste et sceptique. Comme dans l’exposition que Gioni considère le précédent historique de Ghosts in the Machine, The Bachelor Machines, réalisée par Harald Szeemann en 1975, les machines sont des « machines célibataires » dans le projet d’un « musée des obsessions ». Il ne faut pas les prendre au sérieux, ni il faut prendre au sérieux leur effectivité. Par contre il faut prendre au sérieux leurs effets – psychologiques, sociaux, politiques. Ainsi, Gioni reconnecte la vision fantasmatique de la machine célibataire qui a toute une tradition dans l’art depuis Duchamp, au contexte actuel, en analysant une « dérive technologique », dont « l’onanisme global des social media constitue l’incarnation plus récente ». Les titres des sections de l’exposition sont indicatifs de cette perspective critique: Technology As Symptom / Technology As Dream.
Donc: non seulement il ne faut pas croire aux machines et aux technologies mais il faut relire l’histoire de l’art technologique comme une histoire critique, comme un rêve, comme un égarement tragique, comme une dérive.
Plusieurs expositions reprennent aujourd’hui ce point de vue, en associant la croyance dans la technologie à d’autres naïvetés – en explorant les rapports entre télé-présence et la télépathie, l’écoute des vois des morts, la magie… Pour retourner à Burnham: de la technologie et d’autres mythes.
Je pense par exemple au travail curatorial, passionné et passionnant, de Sébastien Pluot et Fabian Vallos sur une réactivation critique d’Art by Telephone, l’expo Chicago Museum of Contemporary Art, 1969 (Art by Telephone Recalled, La Panacée, 2014 [16]), ou aux recherches d’historiens de l’art comme Arnauld Pierre et Pascal Rousseau ou au projet Média-Médium, concocté par les artistes et chercheurs Gwenola Wagon et Jeff Guess [17].
V.
Mais nous ne pouvons pas discuter de la mort de l’art numérique sans citer le texte polémique que Claire Bishop a publié sur Artforum 2012, dans le numéro anniversaire consacré aux rapports entre l’art et les médias (cette publication est d’ailleurs un autre symptôme du rapprochement dont je parle).
Dans « Digital Divide », Bishop se demande: « Whatever happened to digital art? (…) why do I have a sense that the appearance and content of contemporary art have been curiously unresponsive to the total upheaval in our labor and leisure inaugurated by the digital revolution? While many artists use digital technology, how many really confront the question of what it means to think, see, and filter affect through the digital? » [18]
Elle liste les « trends » qui ont animé le monde de l’art contemporain depuis les années 1990: de la performance aux « social practices », à la sculpture basée sur l’assemblage, au retour de la peinture ou du film analogique, la fascination pour les archives ou pour le design et l’architecture moderniste. Toutes ces tendances semblent aller contre-courant par rapport au développement du digital, qui entre temps se généralise dans les usages. Plus dans les détails, Bishop constate que la fascination pour l’analogique dans la photographie ou le film et en général pour les « old media » devient une lutte qui oppose « the elegiac mood of Super 8 versus the Smartphone ». De la même manière, l’attention qu’on porte vers l’archive – l’attraction pour « the rarefied aura of the indexical » s’oppose à l’anonymat d’internet et à la domination de Google. Ou encore, le relationnel s’oppose à l’interactif.
La conclusion de Bishop est sous forme de question: « My point is that mainstream contemporary art simultaneously disavows and depends on the digital revolution, even—especially—when this art declines to speak overtly about the conditions of living in and through new media. But why is contemporary art so reluctant to describe our experience of digitized life? »
Les réponses que Bishop privilégie, un peu vagues, il faut l’admettre, semblent donner une partie importante au marché, qui recherche l’objet et l’auteur alors que le digital semble pousser vers des formes immatérielles ou basées sur des matérialités moins exploitables économiquement.
Ce texte explicitement provocateur et qui procède, comme c’est souvent le cas avec Bishop, par des fortes simplifications, a provoqué un intense débat. Je mentionne rapidement quelques objections. Domenico Quaranta, directeur artistique du Link Center for the Arts of the Information Age et auteur de Beyond New Media Art formule la question du départ: « why the mainstream art world, the small niche I belong to and I’m talking to hereby, doesn’t respond to the digital age? » [19] et retorque que non seulement le digital art est un ghetto mais aussi l’art contemporain.
Quaranta rappelle que dans les années 1960, la décision d’ajouter un préfixe à des tendances expérimentales de l’art constituait une stratégie de survie, d’opposition à la vulgate moderniste, c’était une pratique qui avait la fonction de manifeste. Cela a été le cas aussi du net art que, selon Quaranta, a été capable de faire le pont entre Duchamp Land et Turing Land. Le chercheur italien conclut que le New Media Art doit être pensé comme un no-man’s land pour l’expérimentation, une arène multidisciplinaire de recherche, libre des logiques du marché, un chantier stimulant pour la production de formes d’art qui ne se conforment pas au normes – bref, comme un « incubateur d’instabilité ». Je cite: « New Media Art world can potentially generate the energy that powers the other art worlds, giving their respective “ideas of art” a radical evolution » [20].
Pour Quaranta, le New Media Art peut perdre aujourd’hui son préfixe, parce que nous rentrons dans une condition « post-média ». Cette notion a une tradition, de Guattari à José Luis Brea, de Rosalind Krauss à Manovich. En 2005, Peter Weibel a organisé une exposition avec le titre Postmedia Condition. Cette notion indique une situation où les médias se sont généralisés, où l’expérience humaine, non seulement esthétique, est médiatisée, médiée par les médias. Dans la société post-médiale, dans le « tout numérique », on n’échappe pas au médias ni au numérique. Cette généralisation du médiatique et du numérique peut paradoxalement émanciper l’art du déterminisme technologique et médiatique. On revient au même point évoqué au début de cette présentation.
Cette considération nous conduit à une autre réponse au pamphlet de Bishop, celle de la curatrice Sarah Cook, co-auteur de Rethinking Curating: Art After New Media [21], qui reformule de cette manière la question de départ: « Why does contemporary art ignore our digital condition? »
Cook semble insinuer que ce sont les critiques d’art contemporain, les curateurs – et pas le milieu, généraliste, de l’art contemporain – qui sont ignorants et méprisants vis-à-vis des expérimentations technologique. Cook relie l’ignorance de Bishop (pas tant de l’histoire des technologies, mais de leur fonctionnement, des notions de code ou d’interaction) à un préjugé enraciné, et se lance dans l’exercice de réécriture de l’essai de Bishop, en changeant systématiquement les exemples donnés. Je vous invite à lire cette intervention, très documentée. Finalement, Cook reconduit le conflit entre art contemporain et numérique aux conflits historiques entre modernisme et avant-garde, à la question d’une vision innovante ou rétrograde – non seulement de l’art mais de la société. Elle se demande si c’est l’art numérique qui est ringard ou l’art contemporain qui est conservateur et moraliste, et semble montrer des symptômes d’obsolescence. Bref, pour Cook, ce qui compte pour l’art numérique n’est pas d’être inclus dans les frontières du monde de l’art contemporain, mais d’être capable de modifier ces frontières. Elle cite le titre d’un texte de Cory Arcangel: « My art world is bigger than your art world »…
VI.
J’arrive à la fin de mon parcours. Bien évidemment, nous n’arrivons pas à une conclusion. Il n’y a pas de réponse à la question du départ. Le conflit – entre art et art numérique – perdure, parce que finalement il profite à certains. Cet écart, cette différence demeure profitable ou au moins opératoire, dans certains cas, très concrètement. Il est clair que certains acteurs du monde culturel ont besoin de cette notion d’art numérique – qu’il soit pour déterminer une niche de marché, une spécialisation professionnelle, une spécificité créative, ou simplement pour identifier un sujet d’étude…
Ce clivage est donc utile, il répond à des logiques utilitaires.
D’autres acteurs poussent pour l’abolir, des artistes ou curateurs qui revendiquent une reconnaissance du monde de l’art mainstream, des théoriciens apostats qui se sentent à l’étroit dans le ghetto qu’ils ont contribué à créer… Bref, il n’a pas de solution. Justement parce comme je l’ai dit au début, non seulement le monde de la pratique est compliqué, mais aussi la théorie est un théâtre de frontières, de positions et oppositions – ou, si l’on veut utiliser le vocabulaire belliciste des avant-gardes, un front de bataille.
Comme la position du galeriste, de l’artiste, du curateur, aussi la position de l’historien de l’art dessine à la fois une fiction, un récit qui oriente l’espace, et un projet qui oriente le temps. À moi, l’art numérique, sert pour nommer des oppositions dans le théâtre des frontières que j’essaie de dessiner. Les déclarations de sa mort, me permettent de parler de la vitalité de l’art. Mais je m’arrête ici.
L’art numérique est mort, vive l’art.
Notes
1) http://www.editions-hyx.com/fr/tous-nos-livres?f[0]=field_collection%3A1747 [back]
2) Emanuele Quinz, Le cercle invisible. Environnements, Systèmes, Dispositifs, Dijon, Les presses du réel, 2017, à paraître. [back]
3) http://chatonsky.net/indifference_art_0_/ [back]
4) Ibid. [back]
5) Patrice Maniglier, « L’art numérique n’a pas eu lieu », l’art dans tout le numérique, artpress 2, n°29, mai-juin-juillet 2013. [back]
6) https://rhizome.org/community/41703/ [back]
7) Nicolas, Bourriaud, Esthétique relationnelle, Dijon, Les presses du réel, 1998, p. 69-70. [back]
8) Nicolas, Bourriaud, Post-production. La culture comme scénario: comment l’art reprogramme le monde contemporain, Dijon, Les presses du réel, 2004. [back]
9) Je renvoie à mon essai Conceptual Focus, in Jack Burnham, Hans Haacke, Esthétique des systèmes, sous la direction d’Emanuele Quinz, Dijon, Les presses du réel, 2015. [back]
10) Jack Burnham, Beyond Modern Sculpture, The Effects of Science and Technology on the Sculpture of This Century, New York, Georges Braziller, 1968. [back]
11) Jack Burnham, « Art and Technology: the Panacea that Failed », in Kathleen Woodward (éd.), Myths of Information: Technology and Postindustrial Culture, New York, Madison Coda Press, 1980, republié in John Hanhardt (éd.), Video Culture, New York, Visual Studies Worskhop Press, 1986, p. 232-248. [back]
12) Cit. par Reinhold Martin, « Organicism’s Other », in A. Picon, A. Ponte (éd.), Architecture and the Sciences: Exchanging Metaphors, Princeton Architectural Press, p. 180. [back]
13) http://www.newmuseum.org/calendar/view/35/panel-discussion-what-s-wrong-with-technological-art [back]
14) http://www.newmuseum.org/exhibitions/view/ghosts-in-the-machine [back]
15) Massimiliano Gioni, “Of Ghosts and Machines”, in Ghosts in the Machine, catalogue de l’exposition, New York, New Museum, 2013, p. 9. [back]
16) http://www.artbytelephone.com [back]
17) http://www.mediamediums.net [back]
18) Claire Bishop, « Digital Divide », in Artforum, n. 51, Sept 2012. [back]
19) Voir Domenico Quaranta, Beyond New Media Art, lulu.com 2013. Pour la réponse de Domenico Quaranta et la suivante, Sarah Cook, voir le forum sur le site d’artforum http://artforum.com/talkback/id=70724 [back]
20) D’ailleurs, Quaranta utilise les mêmes termes qu’avait utilisé Margot Lovejoy, Post-modern Currents, Art and artists in Electronic Age, 1982, Prentice Hall College, 2éd. 1996. [back]
21) Beryl Graham, Sarah Cook, Rethinking Curating: Art after New Media, Cambridge MA, The Mit Press, 2010. [back]
L’arte digitale, un’arte contemporanea?
[Trascrizione e traduzione della conferenza Keynote, presentata al Centre Canadien d’Architecture di Montréal, Colloque Molior 15, 24 Novembre 2016
https://www.youtube.com/watch?v=OME-pWottcI]
I.
Ancora, ancora… Sempre la stessa domanda, la vexata quaestio del tormentato rapporto tra arte digitale e arte contemporanea (che è fondamentalmente la questione della definizione di arte digitale, di cui non abbiamo smesso di proporre altri nomi – new media art, digital art, arte digitale, tecnologica, informatica, media art – sempre con delle oscillazioni tra plurale o singolare) rispetto all’arte contemporanea (qui non al plurale, ovviamente)…
Allora perché riproporre questa domanda? Per prima cosa, perché é ancora irrisolta. Ma é lecito chiedersi se é possibile risolverla oggi o un giorno, o se ha davvero bisogno di essere risolta.
Per quanto mi riguarda, ho due motivi che mi portano a riproporre questa domanda: uno più teorico e uno più contingente, uno più generale e uno più personale.
Da sempre mi sono interessato alla questione dei confini tra le discipline artistiche, alle pratiche inter/trans/disciplinari. Considero che la mia specialità come storico dell’arte è precisamente di esplorare questi confini. Per questo a volte preferisco definirmi uno storico delle arti.
L’artista concettuale Mel Bochner ha prodotto negli anni Settanta un’opera intitolata Theory of Boundaries. Ora, nella sua condizione attuale, post-concettuale (dopo lo spostamento concettuale che ha stimolato una svolta irreversibile), e post-mediale, l’arte si definisce proprio come una theory of boundaries come una teoria – e una pratica – dei confini: le definizioni disciplinari sono lacerate da tensioni epistemologiche, da prospettive descrittive e prescrittive che si riconfigurano costantemente. Una teoria dei confini ma anche un teatro dei confini, dove le correnti storiche e culturali si scontrano. Un orizzonte dinamico, relazionale, fatto di connessioni. Un orizzonte posizionale, perché composto da un insieme di polarizzazioni, di vettorializzazioni. Ma le posizioni sono sempre anche delle opposizioni. Se la dimensione posizionale indica un orientamento direzionale, dimensione relazionale sottolinea la reversibilità dei vettori. Questo è un punto molto importante, ci torneremo sopra più tardi.
Se consideriamo il sistema dell’arte o l’arte in the extended field – così come sembra configurarsi a partire dagli anni Settanta in poi, esso può essere visto solo come un teatro di operazioni, caratterizzato da scontri, avanzate, sconfinamenti e continui spostamenti delle frontiere territoriali.
É l’esplorazione di queste zone di confine che ha monopolizzato la mia attenzione in questi ultimi anni, ed é al centro del volume Il cerchio invisibile, Ambienti, sistemi, dispositivi (Mimesis, 2014).

Mel Bochner, Theory of Boundaries, 1969-70
Il mio secondo motivo è più personale. E ha a che fare con la storia di queste esplorazioni, che hanno avuto inizio con la fondazione di Anomos, un’associazione fondata a Bolzano, Italia, e Parigi, Francia, nel 1995, e attiva fino al 2011. Concepito come un osservatorio dell’impatto dei media digitali sulla cultura e la creazione contemporanea, Anomos ha riunito una rete internazionale di artisti, ricercatori, compositori, coreografi, architetti e informatici, ed è stato all’origine di colloqui, workshop, conferenze (come il ciclo “Face au présent”, che si è tenuta dal 1999 al 2007, in diverse istituzioni parigine come la Maison Européenne de le Photographie e il Centre Pompidou) e pubblicazioni (come la collana editoriale Anomalie, 2000-2007 [1]).
La riflessione che vi propongo oggi si baserà su questi due registri: da un lato, la prospettiva di una ricerca teorica più generale e, dall’altro, quella di una ricerca più personale.
Nel volume Il cerchio Invisibile, ho riunito la maggior parte dei testi in cui affronto la questione della tecnologia nell’arte. Tra questi, le prefazioni ai volumi di Anomalie da me diretti, e il catalogo della mostra Invisibile da me curata nel 2004. Tutti questi testi, scritti per occasioni specifiche, non solo sono stati rivisti, ma anche riscritti. A volte, col senno di poi, le conclusioni sono state modificate, a volte addirittura invertite. Ho visto questo lavoro di riscrittura come una verifica delle ipotesi formulate all’epoca, come una messa in discussione di posizioni. Quest’opera, a volte tormentata, è raccontata in un dialogo fittizio che chiude il volume e si intitola Diario di un apostata.
Il filo conduttore di tutti questi scritti di seconda mano è stata la definizione di un’estetica dell’interattività nel contesto di un’arte in trasformazione. Quindici anni dopo, facendo gradualmente un passo indietro, cercando di dare loro una profondità storica, sono arrivato a interrogarmi più da vicino sui legami tra gli esperimenti, sia teorici che pratici, degli anni Novanta – quando il mondo dell’arte si trovava ad affrontare quello che, all’epoca, Pierre Lévy (il primo presidente della nostra associazione Anomos) chiamava “il diluvio digitale”, ma anche a riattualizzare impulsi più radicati, come le tendenze anti-oggettive che, partire dalle avanguardie storiche e dallo sperimentalismo degli anni 60, spingevano verso i paradigmi dell’ambiente, della partecipazione e della relazione. Mi è sembrato imperativo reinserire la sperimentazione tecnologica in un contesto storico, artistico e culturale più ampio.
II.
Ma andiamo dritti al punto. Nel preparare questa presentazione, ho deciso di non partire, come ci si aspetterebbe, dagli atti di fondazione di quella che viene chiamata “arte digitale”, dall’individuazione dei gesti di scissione seminale che avrebbero scosso un frammento dal corpus secolare dell’arte, per avviare una svolta. Al contrario, ho deciso di partire dalle dichiarazioni di morte. Invece di proporre una genealogia, vorrei procedere a un’autopsia – o almeno, cercare di elencare alcune diagnosi sulla fine, la scomparsa, il declino dell’arte digitale.
È stata un’affermazione di Bernard Stiegler, autore della trilogia Le temps et la technique, all’epoca direttore dell’IRCAM, a far scattare la scintilla. L’8 febbraio 2004, durante una conferenza al Centre Pompidou, evocando gli echi contemporanei della mostra storica Les Immatériaux, ideata dal filosofo Jean-François Lyotard, Stiegler ha affermato, perentoriamente: “l’arte digitale non esiste, non è mai esistita”.
Ecco, finalmente qualcuno aveva avuto il coraggio di rompere il ghiaccio. E paradossalmente, sentire quella frase ha prodotto una sensazione di sollievo. Con i volumi di Anomalie e le ricerche di Anomos, ci eravamo impegnati da più di 10 anni in una sorta di campagna di sensibilizzazione sull’uso delle tecnologie digitai negli ambiti più refrattari dell’arte – per esempio, nel campo della danza. Avevamo fatto campagna per mettere in luce le potenzialità dell’informatica e dell’interattività, per sperimentare nuove convergenze tra i linguaggi dell’arte, per esplorare nuove corrispondenze tra immagine e suono, per andare oltre l’oggetto, il quadro, la scultura, il testo, persino il video, per tentare di coinvolgere il pubblico in modi inediti…
Eppure, con il tempo, avevamo in effetti cominciato a sentire che la definizione di arte digitale era troppo stretta. Come provocazione, mentre lavoravo al Cerchio Invisibile, dicevo che il libro avrebbe dovuto chiamarsi Contro l’Arte Digitale. E piano piano, intorno a noi, altri importanti protagonisti della scena artistica, coinvolti nella stessa campagna a favore delle tecnologie, condividevano lo stesso disagio – come il curatore Philippe Franck, che ha scritto un articolo “Arts sans frontières” sulla rivista Mouvement nel 2006, o all’artista Gregory Chatonsky, che, con grande lucidità, ha parlato dell'”indifferenza dell’arte digitale”. Lo cito: “Ci siamo sempre sentiti a disagio con questa nozione, questo territorio e questo ghetto. Non perché la definizione di arte digitale avrebbe potuto essere sostituita da un’altra formula più precisa, ma piuttosto perché di fronte a qualsiasi formula che forza una definizione provoca una forma di resistenza. Ma, al di là di questo effetto, c’è senza dubbio una ragione strutturale. È che l’arte digitale non è la video-arte, l’arte fotografica o cinematografica… Con il digitale, il campo di applicazione è molto più ampio, il computer coinvolge infatti tutte le sfere della vita, privata e pubblica, intima e collettiva, del tempo libero e del lavoro. Quando qualcuno lascia il lavoro e va a casa, cosa fa? Dopo aver appena spento il computer del suo ufficio, accende il suo computer a casa, e forse sul tragitto dall’ufficio a casa ha usato il suo smartphone per navigare su Internet. Questo flusso continuo si applica alla temporalità stessa. In campo sociale, quindi, il digitale non è un mezzo di comunicazione come gli altri, ma opera una forma di totalizzazione, di integrazione globale delle differenze…» [2]
Questo testo costituisce una testimonianza importante. La sua conclusione, che è la stessa di molti analisti, è che non dobbiamo vedere il digitale come un genere fondato su un mezzo specifico, che si affiancherebbe alla video-arte, al cinema sperimentale, all’arte sonora, ma come “un mondo, un mondo che scioglie le categorie e le articolazioni tradizionali del sistema dell’arte. Di conseguenza, l’arte digitale non è mai dove ti aspetti che sia. Si muove, è indifferenziata perché nella società è un po’ ovunque.” [3] A ben guardare, la dichiarazione di Stiegler nel 2004 non ci ha scosso, ma al contrario ci ha confortato: non eravamo soli.
Qualche anno dopo, nell’articolo ”L’art numérique n’a pas eu lieu” (2013), il filosofo Patrice Maniglier riprenderà le stesse argomentazioni di Chatonsky: “Sembra ormai un fatto storico appurato: l’arte digitale non è mai esistita. Eppure la sua venuta era stata annunciato con grande sfarzo e tripudio. Come avrebbe potuto essere altrimenti? Era apparsa una nuova tecnologia, di una singolare potenza, che non poteva lasciare indifferenti gli artisti. Questi insaziabili tuttofare non avrebbero mancato di appropriarsi di questo mezzo, come avevano prima fatto prima con il cinema, il video, la radio e persino la televisione… Lo aspettavamo. Lo stiamo ancora aspettando. Gli scettici si chiedono: dove sono i capolavori dell’arte digitale? I credenti si irritano, sono impazienti e sospettano gli scettici di essere vittime dell’eterno pregiudizio reazionario, quello spirito scettico che nega sempre i progressi e che di fatto non ha mai voluto credere né nell’arte moderna, né nell’arte contemporanea, rifiutando il video e la performance…” [4]
In un certo senso, si tratta di un’obiezione un po’ semplicistica. Nel momento in cui la rivoluzione digitale pervade l’orizzonte intero della società contemporanea, tutte le arti si digitalizzano, tutti gli artisti devono scendere a patti, in un modo o in un altro, con il digitale. Di conseguenza, non ha senso parlare di arte digitale – perché tutta l’arte è in fondo sempre più digitale.
Detto questo, Maniglier prevede l’opzione di una forma d’arte il cui obiettivo specifico sarebbe quello di esplorare questo passaggio storico, questo “divenire digitale del mondo” e quindi anche dell’arte stessa, per “mettere in discussione la trasformazione ontologica in atto”. Il digitale quindi non come l’oggetto, il mezzo o anche il codice, ma come il soggetto dell’arte.
Ciò che colpisce delle dichiarazioni di morte che si sono moltiplicate dal 2004 è che spesso provengono dall’interno del mondo dell’arte digitale, da coloro che hanno combattuto – come me – per difenderne la nascita o la sopravvivenza. Potrei moltiplicare le testimonianze in questo senso.
Sicuramente uno dei contributi più importanti è stato dato da Lev Manovich in “The Death of Computer Art”, pubblicato su Rhizome già nel 1996 [5]. In questo testo, di uno schematismo caricaturale (ovviamente, intenzionale), Manovich prevede che la convergenza “tra il mondo dell’arte e quello della computer art” non avverrà, e presenta i due mondi che si fronteggiano, ostili e incompatibili. Da un lato Duchamp-Land, il mondo delle gallerie, delle riviste, delle fiere d’arte contemporanea, e dall’altro Turing-Land, il mondo dell’arte digitale, con le sue gallerie, le sue riviste, i suoi eventi come ISEA, Ars Electronica, SIGGRAPH. Ognuno di questi due mondi, in netta opposizione, ha le sue regole. A Duchamp-land le pratiche sono orientate versi i contenuti, “complicate”, a volte ironiche, sempre autoreferenziali, e soprattutto critiche rispetto alle tecniche che utilizza. Mentre a Turing-Land è il contrario: le pratiche sono orientate all’exploit delle tecnologie innovative, “semplici”, senza ironia, e soprattutto prendono sul serio le tecnologie che utilizzano. A Duchamp-Land, l’incidente tecnico è ricercato, anche provocato (perché in fondo l’opera processuale è “du hazard en conserve”, secondo le parole di Duchamp), mentre viene accuratamente evitato a Turing-Land. Se il computer si blocca è una catastrofe a Turing-Land, mentre a Duchamp-Land è un segno del successo del processo, che mette in scacco la macchina… In sintesi, la differenza tra i due mondi non sta nell’uso della tecnologia, ma nell’atteggiamento verso la tecnologia: ci crediamo o non ci crediamo.
Sempre nel lontano 1996, Nicolas Bourriaud, nel suo pamphlet Esthétique relationnelle, aveva radicalizzato questa opposizione trasformandola in una legge, una “legge di delocalizzazione”. Cito: “L’arte non esercita il suo dovere critico nei confronti della tecnologia finché non sposta la posta in gioco: così i principali effetti della rivoluzione informatica sono oggi visibili negli artisti che non usano il computer. Al contrario, chi produce le cosiddette immagini “infografiche”, manipolando frattali o immagini generate dal computer, cade generalmente nella trappola dell’illustrazione: il suo lavoro è, nella migliore delle ipotesi, solo un sintomo o un gadget, o, ancora peggio, la rappresentazione di un’alienazione simbolica dal mezzo informatico e quella della propria alienazione dai modi di produzione imposti. Così la funzione della rappresentazione si gioca nei comportamenti: non si tratta più di rappresentare dall’esterno le condizioni della produzione, ma di mettere in gioco i gesti, di decifrare le relazioni sociali che essi inducono. In breve, per Bourriaud, “la tecnologia è interessante per l’artista solo nella misura in cui ne mette in prospettiva gli effetti, invece di subirla come strumento ideologico” [6].
III.
L’opposizione di Manovich, riletta accanto a quella di Bourriaud (che peraltro più tardi correggerà il tiro, in particolare nel suo libro Post-production [7]), rivela un punto importante: più che uno scontro tra due mondi, è in gioco un’opposizione tra due atteggiamenti: da un lato un’arte che crede nella tecnologia che usa, dall’altro un’arte che la considera in modo critico.
Questa opposizione ha una lunga storia, come dimostra il “caso” Jack Burnham [8].
Scultore, teorico e curatore, Burnham ha pubblicato nel 1968 un volume fondamentale, troppo spesso tralasciato dalla critica, Beyond Modern Sculpture: The Effects of Science and Technology on the Sculpture of This Century [9], in cui annuncia lo sviluppo di un’arte post-cinetica e cibernetica, come un definitivo superamento della scultura, segnato dall’apparizione di oggetti ibridi, in movimento e in parte autonomi, che fanno convergere organico inorganico e che “simulano letteralmente la struttura della vita”. Intorno a questa visione si produce una prima scissione, tra l’entusiasmo dei seguaci della “rivoluzione tecnologica” e il rifiuto indignato dei tecno-scettici.
In scritti successivi, Burnham ha riconsiderato la sua posizione, anche grazie all’esposizione Software che cura nel 1970 al Jewish Museum di New York, dove esplora la sovrapposizione tra l’estetica dei sistemi a matrice cibernetica e le pratiche emergenti dell’arte concettuale. L’approccio curatoriale di Burnham è originale, in quanto cerca di andare oltre la prospettiva dell’arte, includendola nel più ampio orizzonte dell’analisi della trasformazioni culturali causate dalla rivoluzione informatica. L’obiettivo non è né illustrativo né didattico, ma mira a individuare un cambiamento di paradigma: esplorare la rivoluzione informatica non tanto attraverso i suoi oggetti, ma attraverso i suoi effetti “sulla sensibilità individuale e sociale”.
Tuttavia, alla soglia degli anni Settanta, in una situazione politica surriscaldata, nel pieno della guerra del Vietnam, la difesa dell’approccio cibernetico difeso da Burnham appare a molti come l’elogio di un dispositivo non solo totalizzante, ma anche totalitario, che istituisce delle forme di coercizione e controllo sociale attraverso la dominazione tecnologica. Il fronte polemico che critica la deriva tecnocratica, si estende da Marcuse ad artisti come Mel Bochner o Robert Smithson.
Nel campo dell’arte, in quegli anni, é in atto un importante cambiamento, che mira a reintrodurre la dimensione sociale anche nelle pratiche concettuali. L’atteggiamento non è più lo stesso: con il social turn, l’arte prende progressivamente le distanze dalla scienza e dalla tecnologia, rivendicando un mandato esplicitamente critico. Anche Hans Haacke, grande alleato di Burnham fin dall’inizio, prende questa strada, prima spostando la sua attenzione sui “sistemi sociali” e poi attaccando l’ideologia stessa dei “sistemi” con le sue opere politicamente impegnate.
In sostanza, con il passaggio agli anni Settanta, il cambiamento di contesto è fatale: l’ottimismo tecno-utopico (come è stato definito da Felicity Scott e Fred Turner), che aveva guidato l’estetica cibernetica e sistemica della fine degli anni Sessanta appare adesso sospetto, l’alleanza tra arte e tecnologia è vista come un “matrimonio di convenienza con l’industria”, e il finanziamento delle aziende che avevano reso possibili i primi esperimenti viene denunciato come indizi di complicità con il potere, incompatibile con la missione dell’arte. Di fronte alla scissione sempre più netta tra il paradigma concettuale, sacralizzato da un ambiente artistico sempre più elitaria e protezionista, e quello dell’arte tecnologica, ostracizzato e sempre più teso nella sua fondamentale opposizione al mondo dell’arte ufficiale, il ritiro di Burnham assume l’amara forma di un’apostasia – come rivela il suo ultimo testo, lo struggente Art and Technology: The Panacea That Failed (1980) [10].
In questo testo, Burnham evoca il progetto della convergenza tra arte e tecnologia degli anni Sessanta e cerca di spiegarne il naufragio. La domanda che si pone è: “Perché gli unici esperimenti artistici riusciti nel campo della tecnologia del XX secolo hanno a che fare con l’assurdità e la fallibilità delle macchine? “e cita come esempi la tradizione dadaista, popolata da macchine inutili, disfunzionali, sovversive, da Picabia a Ernst, da Duchamp a Tinguely. Mentre, l’arte tecnologica che “si prende sul serio”, basata sulla “chimera” dell’innovazione scientifica come strumento onnipotente di emancipazione illuminista, é destinata inevitabilmente al fallimento. In questo testo amaro, sofferto, troviamo gli stessi termini che Manovich userà quasi 20 anni dopo.
Al di là di alcune considerazioni più circostanziali, Burnham si chiede se la ragione dello scisma tra arte e tecnologia non sia dell’ordine di “un’incompatibilità metafisica”, di “una fondamentale dissomiglianza tra due sistemi diversi di semiosi umana”.
In contrasto con il pensiero tecnico, il paradigma concettuale, che da quel momento segnerà il destino dell’arte, esprime una natura non disruttiva (disruptive) ma delusiva (deceptive); rifiutando ogni possibilità di evoluzione e progresso, ci ricorda costantemente “come siamo dominati dalle nostre illusioni percettive”. Diventando concettuale, l’arte sembra impegnarsi in una missione non più progressiva, né regressiva, ma riflessiva, o meglio, come dice Burnham, introspettiva.
Procedendo in un vertiginoso gioco di negazioni, l’arte concettuale si fonda sempre di più come l’esperienza di una delusione rivelatrice: dell’inesorabile divario che si allarga tra l’impulso originario che spinge l’uomo a modellare, a oggettivare, a “sistematizzare” la realtà e questa stessa realtà che “sistematicamente” le sfugge. Come possiamo vedere, torniamo all’idea che abbiamo identificato in precedenza: l’arte tecnologica crede nella tecnologia, e – dicono alcuni – si sbaglia – (ma si sbaglia come arte? o come visione del mondo?) e l’arte contemporanea, come matrice concettuale, non ci crede più… In fondo, non si tratta di una è questione tecnica, legata all’uso dei media, e neppure legata ai confini disciplinari, ma di un dilemma più profondo.
Il “caso Burnham” è solo un caso fra molti, ma rivela che, a ben vedere, il conflitto esiste fin dall’inizio. Si potrebbero moltiplicare gli esempi storici. Cito solo lo scambio tra Robert Smithson e Gyorgy Kepes, all’occasione della sfortunata Biennale di San Paolo del 1969. In una lettera veemente, Smithson contesta l’ottimismo di Kepes sulla scienza e la tecnologia, che considera “una triste parodia della NASA”: “La tecnologia promette un nuovo tipo di arte, ma il suo stesso programma esclude l’artista dalla sua stessa arte. L’ottimismo del progresso tecnico porta alla disperazione politica … Se la tecnologia deve avere una qualche possibilità, deve diventare più autocritica. Se uno vuole il lavoro di squadra dovrebbe entrare nell’esercito. Un pannello chiamato ‘Cosa c’è di sbagliato nell’arte tecnologica’ potrebbe essere d’aiuto…” [11]
La questione, conferma Smithson, non è puramente tecnica o estetica, ma politica, o, ancora più profondamente, morale.
IV.
« What’s Wrong With Technological Art? »
La domanda di Smithson è stata ripresa e discussa al New Museum di NY nel 2012, all’occasione della mostra Ghosts in the Machine, con di la partecipazione Peggy Ahwesh, Heather Corcoran di Rhizome, e gli storici dell’arte Judith Rodenbeck e Gloria Sutton [12].
Non entreremo nei dettagli di questo dibattito, ma è importante citare quest’esposizione perché segna un riavvicinamento: il mondo dell’arte contemporanea, con i suoi curatori, le gallerie e le istituzioni, si interessa improvvisamente alla storia dell’arte tecnologica. Anche se, in realtà è forse vero il contrario: l’idea è quella di ricostruire una controstoria, una storia dell’arte che resiste al progresso tecnologico e alle derive, un’arte eroica perché anti-tecnologica.
Ghosts in the Machine è costruita come una ricostruzione archeologica: vengono riprodotte intere mostre storiche, come Man, Machine and Motion (1955) progettata da Richard Hamilton [13]. Come spiega Massimiliano Gioni, il curatore, l’esposizione Ghosts in the Machine “è concepita come una Wunderkammer, un cabinet de curiosité che presenta delle sequenze di oggetti e opere d’arte legati tra loro da una rete di riferimenti e associazioni, parentele e affinità elettive, come un montaggio surreale…» [14]. Questa affermazione suona un po’ come una giustificazione: si guarda alla storia del rapporto dell’uomo con la macchina da un punto di vista anti-positivista e scettico. Come nella mostra che Gioni considera il precedente storico di Ghosts in the Machine, The Bachelor Machines, curata da Harald Szeemann nel 1975, le macchine sono “macchine celibi” nel progetto di un “museo delle ossessioni”: non devono essere prese sul serio come strumenti, ma come sintomi di patologie e deviazioni (psicologiche, sociali, politiche) che affligono l’uomo moderno. In questo modo, Gioni riconnette la visione fantastica della macchina celibe, che ha una lunga tradizione nell’arte fin da Duchamp, al contesto attuale, ricostruendo la genealogia di una “deriva tecnologica”, di cui “l’onanismo globale dei social media costituisce l’incarnazione più recente”. I titoli delle sezioni della mostra sono indicativi di questa prospettiva critica: Technology As Symptom / Technology As Dream.
Quindi: non solo non dobbiamo credere nelle macchine e nelle tecnologie, ma dobbiamo rileggere la storia dell’arte tecnologica come una storia critica, che rivela l’utopia della macchina come un sogno, un tragico smarrimento, di cui è importante prendere coscienza e, attraverso la riflessione critica, affrancarsi. Diverse mostre oggi riprendono questo punto di vista, associando la fede nella tecnologia ad altre ingenuità o aberrazioni – esplorando il rapporto tra telepresenza e telepatia, tra tecnologia e magia… Per tornare a Burnham: la tecnologia e altri miti.
Penso, ad esempio, allo splendido lavoro curatoriale di Sébastien Pluot e Fabian Vallos sulle riattivazione critica di Art by Telephone, la mostra del Chicago Museum of Contemporary Art del 1969 (Art by Telephone Recalled, Montpellier, La Panacée, 2014 [15]), o alle ricerche di storici dell’arte come Arnauld Pierre e Pascal Rousseau o al progetto Média-Médium, ideato dagli artisti e ricercatori Gwenola Wagon e Jeff Guess [16].
V.
Ma non si può parlare della morte dell’arte digitale senza citare il testo polemico che Claire Bishop ha pubblicato su Artforum nel 2012, nel numero di anniversario dedicato al rapporto tra arte e media (in generale, questa pubblicazione è un altro sintomo del riavvicinamento di cui parlo). In “Digital Divide”, Bishop si chiede: “Che cosa è successo all’arte digitale? […] perché ho la sensazione che le forme e i contenuti dell’arte contemporanea siano rimasti curiosamente insensibili al totale sconvolgimento dell’orizzonte lavorativo e del tempo libero provocato dalla rivoluzione digitale? Mentre molti artisti usano ormai le tecnologie digitali, quanti sono quelli che si confrontano realmente con la questione di cosa significhi pensare, vedere e filtrare l’effetto attraverso il digitale?”
Bishop elenca i “trends” che hanno animato il mondo dell’arte contemporanea a partire dagli anni Novanta: dalla performance alle “pratiche sociali”, alla scultura basata sull’assemblaggio, al ritorno della pittura o del cinema analogico, al fascino per gli archivi o per il design e l’architettura modernista. Tutte queste tendenze sembrano andare controcorrente rispetto allo sviluppo del digitale, che sta diventando sempre più diffuso. Più in dettaglio, Bishop osserva che il fascino dell’analogico nella fotografia e nel cinema e in generale negli “old media” si incarna in una lotta tra “il mood elegiaco del Super 8 e lo Smartphone”. Allo stesso modo, il fascino esercitato dagli archivi e dai documenti – l’attrazione per “l’aura rarefatta dell’index” – si oppone all’anonimato freddo di internet e al predominio di Google. Cosi come il relazionale si oppone all’interattivo.
E Bishop conclude: “Il mio punto di vista è che l’arte contemporanea tradizionale rinnega e dipende allo stesso tempo dalla rivoluzione digitale, anche – soprattutto – quando quest’arte si rifiuta di parlare apertamente delle condizioni di vita nei e attraverso i nuovi media. Ma perché l’arte contemporanea è così restia a descrivere la nostra esperienza di vita digitalizzata?”
Le risposte che Bishop privilegia – un po’ vaghe, bisogna ammetterlo – sembrano attribuire un ruolo centrale al mercato, sempre alla ricerca del prodotto e della firma, mentre il digitale sembra spingere verso forme immateriali o basate su materiali meno sfruttabili economicamente.
In ogni caso, questo testo esplicitamente provocatorio, che procede, come spesso accade per Bishop, con forti semplificazioni, ha suscitato un intenso dibattito. Accennerò rapidamente ad alcune obiezioni. Domenico Quaranta, direttore artistico del Link Center for the Arts of the Information Age e autore di Beyond New Media Art riformula la domanda di Bishop: “perché il mondo dell’arte mainstream, la piccola nicchia a cui appartengo e con cui interagisco, non risponde all’era digitale?” [17] e sostiene che non solo l’arte digitale è divenuta un ghetto, ma lo stesso è accaduto all’arte contemporanea.
A proposito della New Media Art, Quaranta ricorda che negli anni Sessanta la decisione di aggiungere un prefisso alle tendenze sperimentali nell’arte costituiva una strategia di sopravvivenza, in opposizione alla vulgata modernista, una pratica che aveva la funzione di manifesto. Questo è stato anche il caso della Net Art che, secondo Quaranta, è riuscita a colmare il divario tra Duchamp-Land e Turing-Land. E conclude spiegando che la New Media Art va pensata come una terra di nessuno, una zona franca per la sperimentazione, un’arena multidisciplinare aperta alla ricerca, libera dalle logiche del mercato, dove poter produrre delle forme d’arte non conformi alle norme – in breve, come un “incubatore di instabilità” : “Il mondo della New Media Art può potenzialmente generare l’energia che alimenta gli altri mondi dell’arte, dando alle loro rispettive ‘idee dell’arte’ una radicale evoluzione” [18].
Per Quaranta, la New Media Art oggi è pronta per perdere il suo prefisso, perché stiamo entrando in una condizione “post-media”. La nozione di post-media viene da una lunga tradizione teorica, da Félix Guattari a José Luis Brea, da Rosalind Krauss a Manovich. Nel 2005 Peter Weibel ha organizzato una esposizione storica dal titolo Postmedia Condition. Questa nozione indica una situazione in cui i media si sono generalizzati, in cui l’esperienza umana, non solo estetica, è totalmente mediatizzata, ovvero mediata dai media. Nella società post-media e dell’all digital, non c’è via di fuga dai media e dal digitale. Questa generalizzazione dei media e del digitale può allora paradossalmente emancipare l’arte dal determinismo tecnologico e mediatico. Torniamo allo stesso punto menzionato all’inizio di questa presentazione, proposto da Chatonsky e Maniglier.
A questa considerazione ci conduce anche un’altra risposta alla provocazione di Claire Bishop, quella della curatrice Sarah Cook, co-autrice di Rethinking Curating: Art After New Media [19]. Anche Cook riformula la domanda di Bishop: “Perché l’arte contemporanea ignora la nostra condizione digitale?”
In questo modo, Cook pone il sospetto che siano i critici d’arte contemporanea, i curatori – e non la comunità dell’arte contemporanea in generale – a essere ignoranti e sprezzanti nei confronti della sperimentazione tecnologica. Cook collega l’ignoranza di Bishop (non solo della storia della tecnologia, ma anche del suo funzionamento – per esempio, delle nozioni fondamentali di codice o di interazione) a un pregiudizio radicato, e si imbarca nell’esercizio di riscrivere il saggio di Bishop, cambiando sistematicamente gli esempi forniti. Vi invito a leggere questo intervento, ironico e molto ben documentato. Alla fine, Sarah Cook connette il conflitto tra arte contemporanea e digitale alle controversie storiche tra modernismo e sperimentalismo, alle divergenze tra una visione innovativa o conservatrice – non solo dell’arte ma della società. E si chiede se sia l’arte digitale ad essere antiquata o l’arte contemporanea ad essere conservatrice e moralista, e a mostrare sintomi di obsolescenza. In breve, per Cook, ciò che conta per l’arte digitale non è il fatto di essere inclusa nei confini del mondo dell’arte contemporanea, ma di essere in grado di spostare tali confini. E conclude citando il titolo di un’opera di Cory Arcangel: “My art world is bigger than your art world”…
VI.
Sto arrivando alla fine del mio viaggio. Ovviamente non stiamo giungendo a una conclusione. Non c’è risposta alla domanda di partenza. Il conflitto – tra arte contemporanea e arte digitale – persiste, anche perché produce dei benefici per molte persone. Il conflitto è redditizio o almeno operativo, in alcuni casi, molto concreti. È chiaro che alcuni attori del mondo culturale hanno bisogno di questa nozione di arte digitale – per determinare una nicchia di mercato, una specializzazione professionale, una specificità creativa, o semplicemente un argomento di studio. La controversia non solo è fertile, perché produce dibattito, ma proficua, perché risponde a delle logiche utilitaristiche.
Ma altri attori stanno spingendo per abolirla, artisti o curatori che rivendicano il riconoscimento del mondo dell’arte tradizionale, e che si sentono stretti nel ghetto che hanno contribuito a creare… Insomma, non c’è soluzione. Proprio perché, come ho detto all’inizio, non solo l’orizzonte delle pratiche è complesso, ma anche perché la teoria si fonda come un teatro di frontiere, posizioni e opposizioni – o, se si vuole usare il vocabolario guerrafondaio delle avanguardie, come un fronte di battaglia. Come il gallerista, l’artista, il curatore, anche lo storico dell’arte traccia allo stesso tempo una finzione, una narrazione che orienta lo spazio e il tempo. Per quanto mi riguarda, l’arte digitale è servita, ad un certo momento, a dare un nome a un fronte d’opposizione nel teatro dei confini che cerco di tracciare. E oggi, le dichiarazioni della sua morte mi permettono di parlare della vitalità dell’arte. L’arte digitale è morta, lunga vita all’arte.
Note
1) http://www.editions-hyx.com/fr/tous-nos-livres?f[0]=field_collection%3A1747 [back]
2) http://chatonsky.net/indifference_art_0_/ [back]
3) Ibid. [back]
4) Patrice Maniglier, « L’art numérique n’a pas eu lieu », l’art dans tout le numérique, artpress 2, n° 29, mai-juin-juillet 2013. [back]
5) https://rhizome.org/community/41703/ [back]
6) Nicolas, Bourriaud, Esthétique relationnelle, Dijon, Les presses du réel, 1998, p. 69-70. [back]
7) Nicolas, Bourriaud, Post-production. La culture comme scénario: comment l’art reprogramme le monde contemporain, Dijon, Les presses du réel, 2004. [back]
8) Rimando al mio saggio Conceptual Focus, in Jack Burnham, Hans Haacke, Esthétique des systèmes, a cura di Emanuele Quinz, Dijon, Les presses du réel, 2015. [back]
9) Jack Burnham, Beyond Modern Sculpture, The Effects of Science and Technology on the Sculpture of This Century, New York, Georges Braziller, 1968. [back]
10) Jack Burnham, « Art and Technology: the Panacea that Failed », in Kathleen Woodward (ed.), Myths of Information: Technology and Postindustrial Culture, New York, Madison Coda Press, 1980, ripubblicato in John Hanhardt (ed.), Video Culture, New York, Visual Studies Worskhop Press, 1986, p. 232-248. [back]
11) Cit. da Reinhold Martin, « Organicism’s Other », in A. Picon, A. Ponte (eds.), Architecture and the Sciences: Exchanging Metaphors, Princeton Architectural Press, p. 180. [back]
12) http://www.newmuseum.org/calendar/view/35/panel-discussion-what-s-wrong-with-technological-art [back]
13) http://www.newmuseum.org/exhibitions/view/ghosts-in-the-machine [back]
14) Massimiliano Gioni, “Of Ghosts and Machines”, in Ghosts in the Machine, catalogo dell’exposizione, New York, New Museum, 2013, p. 9. [back]
15) http://www.artbytelephone.com [back]
16) http://www.mediamediums.net [back]
17) Cfr. Domenico Quaranta, Beyond New Media Art, lulu.com 2013. Per la risposta di Domenico Quaranta e di Sarah Cook, cfr. il forum sul sito di artforum http://artforum.com/talkback/id=70724 [back]
18) Quaranta utilizza gli stessi termini utilizzati da Margot Lovejoy, Post-modern Currents, Art and artists in Electronic Age, 1982, Prentice Hall College, 2 ed. 1996. [back]
19) Beryl Graham, Sarah Cook, Rethinking Curating: Art after New Media, Cambridge MA, The Mit Press, 2010. [back]
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